Stéphane Frachet | Publié le 03.05.2014, 16h16
"Le décret anti-escabeau "
Agriculture.
Une norme européenne interdisant aux mineurs le travail posté en hauteur entre
en vigueur cette année en France, au grand dam des producteurs de pommes.
Nulle, déconnectée du terrain,
anticompétitive : les qualificatifs fusent dans la bouche des arboriculteurs français, très remontés contre une
transposition du droit européen dans le Code du travail, qui interdit les
échelles, escabeaux et marchepieds comme postes de travail permanents.
« Le
cueilleur de pommes est assimilé à un élagueur-voltigeur, c'est absurde »,
pointe Luc Barbier, exploitant à Hoëville (Meurthe-et-Moselle) et président de
la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF).
Si ce décret
européen datant du 7 mars 2008 a mis plus de cinq ans à être transposé en
France, dans l'article R. 4323-63 du Code du travail, cette nouvelle contrainte
tombe au plus mal pour une profession déjà confrontée à une crise des
vocations.
« Le texte a été mis en place en catimini,
par un fonctionnaire qui s'est basé sur des statistiques, sans doute pour
protéger les salariés du BTP, se lamente Thierry Moisy, qui produit 600 t de
pommes par an à Saint-Paterne-Racan (Indre-et-Loire). Mais ce technocrate n'a
pas mesuré l'impact dans les vergers, où l'escabeau constitue un outil
quotidien. » Thierry Moisy se souvient avoir reçu un mail des organisations
professionnelles l'été dernier, « mais les équipes de cueilleurs étaient déjà
organisées ». C'est donc en 2014 que l'article prend pleinement son effet.
Un quart des
saisonniers étaient mineurs dans le Cher
Les
conséquences sont nombreuses. « Je
n'emploie plus aucun mineur », dit Pascal Clavier, arboriculteur à
Saint-Martin-d'Auxigny (Cher) sur 50 ha, qui ne sait pas encore comment il
s'organisera cet été. Les moins de 18 ans de la région avaient là un moyen de
se constituer un petit pécule l'été. Pour eux, c'est fini. En 2010, ils
représentaient encore un quart des saisonniers. Autre incidence : sur la conduite de l'exploitation et
l'équipement de ces agriculteurs, concurrencés
par la Pologne, l'Italie et l'Allemagne. « Est-ce qu'il faut couper les
arbres à hauteur d'homme, alors qu'ils se déploient au-delà de 3 m ? » raille
Pascal Clavier. « Si le texte n'est pas modifié, je vais devoir acheter des plates-formes automotrices à 30 000 € l'unité. C'est impensable alors que nous sommes déjà sur la corde raide »,
poursuit-il.
« L'escabeau
n'est pourtant pas dangereux. J'ai plus
d'arrêts de travail le lundi parce qu'un gars s'est blessé au football ou à VTT
durant le week-end », assure l'exploitant, qui reconnaît quelques chutes
par le passé, mais sans gravité.
Les quelque
50 000 arboriculteurs français enragent, parce que la directive européenne sur
le travail en hauteur n'a pas été transposée avec la même rigidité chez nos
voisins. « En Espagne, elle n'est pas appliquée. En Allemagne, les saisonniers
sont payés moins cher et ils peuvent grimper sur des échelles jusqu'à 3 m »,
déplore Luc Barbier, président de la FNPF, qui a saisi le ministère de
l'Agriculture. « Notre ministère de tutelle a reconnu l'absurdité de la
situation et il va saisir le ministère du Travail. Mais, en attendant la
modification du texte, un arboriculteur peut toujours tomber sur un inspecteur
du travail trop tatillon et se faire sanctionner », déplore-t-il.
Le Parisien
Source :
http://www.leparisien.fr/economie/le-decret-anti-escabeau-fache-les-arboriculteurs-03-05-2014-3813207.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire